
Grima est désormais un des groupes de black metal atmosphérique les plus en vue. Il faut dire que la formation a de quoi attirer l’attention, ne serait-ce que par ses étranges costumes, son identité sibérienne mais surtout six albums en dix ans et de multiples de concerts. En bref, voilà un groupe qui n’a pas ménagé ses efforts pour aller à la rencontre d’un public de plus en plus large et faire connaître sa musique.
Ce septième opus intitulé « Nightside » pourrait bien être une marche supplémentaire dans l’ascension de Grima. Le groupe a en effet quitté le label finlandais Naturmacht Productions chez qui il était depuis ses débuts. Dans l’absolu ce n’est guère une surprise, il était même étonnant qu’une plus grosse structure n’ait pas déjà mis le grappin sur le groupe russe.
Au final, c’est le très généraliste Napalm Records qui a décroché la timbale. Bon ou mauvais choix, il est trop tôt pour le dire. Relevons tout de même qu’au milieu d’une multitude de groupes divers et (a)variés, on trouve dans cette grosse maison quelques formations black capées ou montantes : Cradle of Filth, 1914, Imperium Dekadenz, Samael, Satyricon, Shining, Summoning…
Alors forcément dans le microcosme metal extrême ou ambition rime souvent avec trahison, cette signature ne passe pas inaperçue et fera remonter chez certains ce bon vieux soupçon de la compromission. Certains imaginent déjà monsieur ou madame Napalm Records donnant leurs instructions à Morbius et Vilhelm pour faire ceci plutôt que cela. D’autres, un poil plus raisonnables, imaginent que nos deux compères vont s’adoucir pour faire la danse du ventre à leur nouveau boss. Laissons ces spéculations un peu ridicules de côté car si Grima a élargi son audience il n’est pas non plus un groupe mainstream que diable. Oui, Morbius et Vilhelm ont l’ambition de faire avancer leur musique, de la faire connaître davantage. Probablement que Napalm leur en offrira davantage les moyens techniques, logistiques, sans parler des aspects promotionnels et du carnet d’adresse. Pour la musique : la balle reste dans le camp de Grima.

Pour « Nightside », Grima revient à des ambiances nocturnes mettant de côté les aspects tempétueux qui traversaient « Frostbitten ». L’artwork réalisé par Paolo Girardi l'illustre de fort belle manière d’ailleurs, en mettant en scène les quatre musiciens dans un paysage forestier éthéré et glacé.
A la première écoute, l’album paraît donc moins incisif, moins acéré que ne l’était le précédent qui était plus mordant, plus direct. Les dix titres proposés ici baignent davantage dans des brumes atmosphériques, ce qui à mon avis sied mieux au groupe.
Comme pour l’ensemble des albums de Grima, on ne peut que constater la capacité des frère Sysoev à composer une musique collant parfaitement aux ambiances qu’ils souhaitent développer. « Nightside » se place sous les auspices de la grande nuit. Qu’à cela ne tienne Grima choisit donc des sonorités plus lointaines, presque étouffées par l’immensité de la nuit glacée . Des écoutes au casque s’imposent donc pour apprécier l’ensemble du travail réalisé ici. Dès l’introduction et « Beyond the Dark Horizon », la finesse des compositions et de l’instrumentation s’imposent. Grima ne joue pas la carte du spectaculaire et se concentre à entrecroiser soigneusement les fils pour tisser une œuvre solide. Atmosphérique ne rime pas ici avec remplissage ou temps faibles. « Nightside » est au contraire un album dense où l’auditeur a toujours quelque chose à se mettre dans l’oreille. Le fait le plus notable est bien sur le retour en force du bayan qui est cette fois présent sur l’ensemble des titres. Comme Grima avait pu le faire par le passé, l’utilisation de cet accordéon chromatique russe, apporte une dimension mélancolique et entêtante. Certains regretteront peut-être cette utilisation systématique, ce qui n’est pas mon cas tant je pense qu’il se fond parfaitement dans les ambiances que le groupe entend donner à ce sixième opus. Pour être tout à fait franc, je dois dire que j’attendais même cette utilisation élargie du bayan depuis longtemps. C’est donc chose faite et bien faite.
Mais il serait un peu court de résumer « Nightside » à cet instrument car comme dit plus haut finesse et densité sont les maîtres mots de cet album. Le travail sur les lignes de guitares est lui aussi bluffant avec ses multiples entrecroisements mélodiques et un riffing efficace et justement dosée. La basse n’est pas en reste accentuant ça et là les ambiances mystérieuses, la batterie s’avère riche aussi sans se montrer trop envahissante, respectant ainsi l’idée d’un album fondé sur une certaine forme d’onirisme.
Par bien des aspects les intentions artistiques de « Nightside » me font penser à celles qu’on trouvait sur le deuxième album du groupe « Tales of the Enchanted Woods ». Si ce dernier résonne encore comme une œuvre des plus marquantes du groupe, on mesure aussi le chemin accompli depuis les huit années qui les séparent. Les compositions sont plus profondes, plus en place. Le chant de Vilhelm a également considérablement progressé avec une palette vocale plus large et pleinement utilisée. La production est aussi bien meilleure car c’est une autre des grandes qualités de « Nightside ». Le côté un peu lointain et étouffé déjà évoqué tout à l’heure en est une à mon sens. C’est d’autant plus vrai que cela n’exclue pas une finesse qui permet à l’ensemble des instruments et au chant de trouver leur place sans que l’un ne prenne le dessus plus que l’autre. En long, en large comme en travers, ce nouvel album de Grima m’a frappé autant que séduit par sa cohérence, sa subtilité et sa faculté à proposer des ambiances envoûtantes de bout en bout.
Au bout de six albums, sortis finalement dans un temps relativement court, le risque aurait pu être une certaine lassitude, ce qui n’est pas le cas ici. Bien sûr l’effet de surprise n’est plus le même qu’à l’époque des premiers opus mais malgré cela « Nightside » est parvenu à maintenir ma curiosité et à m’emmener de bout en bout. Le seul bémol que j’émettrai concerne les chœurs en voix claires qui ne m’ont pas convaincu plus que cela et ont plus eu tendance à arriver comme un cheveu sur la soupe. Pour le reste, on est pas loin d’une certaine forme de perfection en matière de black metal atmosphérique. Grima voulait nous emmener dans le plus profond des nuits sibériennes. Il y est parvenu et tout en finesse.
N - 9/10
1. Intro (Cult) (02:00)
2. Beyond the Dark Horizon (03:36)
3. Flight of the Silver Storm (06:01)
4. Skull Gatherers (05:38)
5. Impending Death Premonition (06:25)
6. The Nightside (07:29)
7. Where We Are Lost (06:31 )
8. Curse of the Void (04:35)
9. Mist and Fog (05:09)
10. Outro (Memories of a Forgotten Home) (02:03)
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