
Style : black metal
Label : indépendant
Sortie : 4 décembre 2024
Localisation : France.
Dans le black metal, il est souvent question d’héritage culturel, d’ancrage dans une terre. Galibot est de ceux là, lui qui a décidé de faire sien le passé minier de sa région d’origine : le nord de la France.
Le nord c’était le charbon disait un chanteur bien connu, d’ailleurs cité dans cet album. Finalement quoi de plus normal donc que ce charbon puisse devenir l’élément central d’un album de black metal avec lequel il partage autant sa couleur que son âcreté, sans parler des ravages que cette exploitation a infligé aux hommes et aux paysages.
L’univers de la mine n’est d’ailleurs pas une thématique inédite dans le black metal. Sans dresser un catalogue on pensera notamment aux allemands de Dauþuz qui déclinent ce thème tout au long de leur discographie. Plus près de nous, et dans une veine finalement plus proche encore de Galibot, on se rappellera aussi du groupe lorrain Silicose dont l’album « Au fond de la mine » était sorti en 2023 (respectivement chez Dale of Shadows, Acid Vicious et Remparts Productions).

Mais trêve de bavardages, formé en 2021, le trio nordiste Galibot avait déjà sorti une démo en 2022. Ces débuts, déjà prometteurs, se concrétisent aujourd’hui avec un album de six titres pour une petite demi heure de musique. Le tout est sorti le 4 décembre dernier, soit le jour de la Sainte Barbe, très célébrée dans bassins miniers du Nord. Une sainte plus connue dans ces contrées sous son nom de Barbara qui est l’objet du quatrième titre de cet album.
Plutôt que politique ou même strictement historique, l’approche thématique de Galibot s’ancre davantage dans une veine naturaliste et la description de la cruelle réalité du monde de la mine. Cela n'exclue nullement des accents poétiques prompts à créer des émotions: colère, mélancolie ou simple envie de se souvenir, de raconter. Que ce soit une volonté ou quelque chose de plus spontanée de la part du groupe, on pense aux écrits de Victor Hugo, d’Émile Zola et à toute sorte d’œuvres littéraires, musicales ou cinématographiques qui, au fil du temps, se sont inscrites dans l’imaginaire collectif entourant cet univers.
C’est donc un véritable tissu culturel qui se construit au travers de « Euch’ Mau Noir » qui va évoquer différents aspects du passé minier du Nord-Pas de Calais : les galibots (ces jeunes enfants envoyés au fond du puits pour travailler), la catastrophe de Courrières avec ses plus de mille mineurs morts en 1906. « Les Nords » aborde avec acuité la question de l’apport des populations immigrées dans ces régions industrielles manquant de main d’œuvre dès la fin du XIXe siècle et plus encore après la première guerre mondiale, le Nord-Pas de Calais ayant vécu autant les affres des combats que celui de l’occupation allemande pendant plusieurs années.
Mais la mine ce ne sont pas que les hommes et Galibot évoque aussi dans « Cheval de fosse » ces animaux utilisés au fond des puits. Par le thème et l’émotion qui se dégagent des textes, on pensera de nouveau à Zola qui avait écrit de très belle lignes sur ce sujet dans Germinal.
La terre, le patrimoine ne sont pas oubliés non plus. C’est le cas dans le titre éponyme qui évoque les corons et a servi de support à un très beau clip réalisé à partir d’images d’archives. C’est enfin immédiatement visible dans l’artwork et les différents visuels du cd.
Au delà de l’évidente richesse et unité thématique de ce premier album, Galibot est aussi, et surtout, parvenu à la retranscrire musicalement dans un black metal viscéral qui colle totalement à son sujet. La froideur presque minérale du riffing cotoie des lignes mélodiques omniprésentes, comme une métaphore de la lutte entre le charbon et les hommes. Le timbre écorché de Diffamie, la chanteuse, apporte un surcroi de rage, crachant ses paroles comme on suffoquerait en sortant des entrailles de la terre les poumons emplis de poussière.
Le son est à la fois compact et un peu lointain comme venu des profondeurs. C’est à la fois élaboré tout en ayant un petit côté raw avec par exemple un son de batterie bien sec, en bref ça colle totalement à l’univers qui est développé.
Rythmiquement, «Euch'mau noir » est très nerveux , pas forcément très énervé au sens brutal du terme, mais très cadencé. Les breaks sont peu nombreux mais suffisants pour faire respirer juste ce qu’il faut l’album. Si l’album avait été plus long, cette cadence qui prend à la gorge aurait peut-être pu s’avérer un peu linéaire, mais sur un format d’une demi heure cela passe crème.
C’est donc avec brio que Galibot a donc franchi ce cap toujours difficile du premier album. On appréciera autant l’originalité de la thématique que la manière dont le trio parvient à la retranscrire dans un black metal qui fait sens à tout point de vue.
L – 9/10
Tracklist :
1. Les galibots (01:02)
2. Cheval de fosse (03:58)
3. Courrières (04:53)
4. Barbara (04:49)
5. Les nords (05:07)
6. Terre d'euch mau (07:38)
A écouter ou acheter sur :
https://galibot.bandcamp.com/album/euchmau-noir
https://www.youtube.com/watch?v=d6cxLHPCpio
https://open.spotify.com/intl-fr/album/6YSWVtP8NKMcqTORhC2lJ2?si=R8Z81AIYS4qM_DxRYlxsug
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