Style : black metal / hardcore / punk
Label : Les Acteurs de l’Ombre Productions
Localisation : France
Sortie : 25 octobre 2024
Bon on ne va pas se mentir, au départ Sordide ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Bon à l’arrivée non plus mais moins qu’avant...Entre velléités militantes (qu’importe le bord) et intonations hardcores très prononcées, je suis longtemps resté totalement au bord du chemin ne comprenant pas ce qu’un tel groupe venait foutre dans le black metal. L’album « Les idées blanches », paru il y a trois ans, était toutefois parvenu à bousculer ces certitudes sans pour autant être devenu un disque de chevet.
Alors quand Les Acteurs de l’Ombre ont lancé la sortie de ce cinquième album intitulé « Ainsi finit le jour », je ne vais pas dire que j’ai sauté de joie mais disons que j’ai eu à l’égard de cette annonce un regard moins malveillant que par le passé.
Si on prend le temps de jeter un regard froid et lucide sur le black metal actuel, ce, en mettant sa déraisonnable passion pour le genre bien au fond de sa poche, le constat est assez simple : le style tourne beaucoup en rond quand même...et reproduit vague après vague à peu près les mêmes gimmicks. Les nouveautés se présentant comme telles n’en sont souvent pas vraiment. Pire, ce genre qui se glorifiait de déplaire et de bousculer le système s’est parfois parfaitement fondu dedans.
Dans ce microcosme de plus en plus conservateur (idéologiquement et musicalement) Sordide fait un peu partie des empêcheurs de tourner en rond, tant par la teneur de son discours que par sa musique. Il y en a sûrement même que le groupe dérange. Tant mieux...
Tout cela commence déjà par l’artwork d’ailleurs. Reprenant l’idée d’une représentation finalement assez abstraite, la pochette de « Ainsi finit le jour » ne ressemble à rien de ce qui a pu sortir ces derniers mois : c’est une masse mystérieuse de rouge et de noir, une sorte de brouillard ou de fumée dans laquelle on a envie d’aller voir ce qui se cache derrière.
Dès le premier titre, « Des feux plus forts », on est assailli par une ligne mélodique légèrement dissonante qui monte en nervosité jusqu’au refrain. Il y a ici une énergie punk / hardcore débridée qui va subitement finir dans un marasme darkthronien tel un lendemain qui déchante.
« Nos cendres et nos râles » et ses huit minutes démarre lui aussi sur une cadence énergique et des paroles vindicatives qui entendent passer le vieux monde par les flammes. Puis à la moitié du morceau, le chant disparaît laissant la parole à une musique et à des ambiances lourdes voire sinistres. Un morceau qui illustre parfaitement, la liberté dont le groupe fait preuve dans ses compositions dont la structure s’éloigne des normes et standards habituels.
Une impression qui se confirme sur « Le camboui et le carmin » porté par une lancinance étouffante qui s’accentue plus encore sur « Sous vivre ». Avec « Banlieue rouge » la musique retrouve quelques couleurs mais toujours sur un fond crasseux et des mélodies aigres qui vous collent à la peau et vous placent dans une forme d’inconfort auditif intrigant. Peu à peu l’album continue de s’enfoncer dans ces cercles asphyxiants nimbés d’une certaine forme de poésie à la fois sociale et désabusée.
Moins portée sur une énergie tout azimut que sur des ambiances grinçantes et noirâtre cette deuxième partie d’album pourrait, de prime abord, sembler un peu terne voire longue. Mais ce sont précisément ces deux caractères qui en font le sel et font que non, décidément, Sordide n’est pas un groupe comme les autres. Insaisissable, la formation rouennaise nous amènent dans des horizons diversement poisseux et désenchantants. Point de salut ou d’espoir de le croiser, tout juste pourra t-on relever quelques notes plus intimistes qui viennent roder sur la seconde partie de « La beauté du désastre » dont les notes mystérieuses et la tension tragique est digne d’un Amenra sur « Mass IV ». Cette inclinaison rampante et massive finit par trouver son dénouement sur le titre qui clôt l’album comme un ultime clou sur le cercueil : « Tout est à la mort ». Tout est dit.
Intrigant, éprouvant tout autant que fascinant, les adjectifs manquent pour qualifier cet album pas comme les autres. « Les idées blanches » avaient déjà bien ouvert la voie, « Ainsi finit le jour » en est à la fois le prolongement et le plein développement. Je ne sais si je le réécouterai souvent mais indubitablement, il fera partie des albums marquants de cette année, aussi bien par ses côtés agaçants que par cet aspect insaisissable. Non vraiment, le black metal de Sordide n’est pas comme les autres. Il irrite, il fascine,il agresse, il malmène et fout toutes les certitudes par terre et c’est bien tout cela qui, dans le fond, le rend tellement black metal. Un groupe antisystème à tout point de vue.
N - 7/10
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