
Style : black metal atmosphérique
Label : AOP Records
Localisation : France
Sortie : 31 janvier 2025
Selon les théories médicales d’Hippocrate, l’Homme est rempli de fluides dont le plus ou moins bon équilibre pouvait altérer ses « humeurs » et donc sa santé. En cas de déséquilibre, l’une des principales pratiques médicales était le recours à la saignée qui devait rétablir le bon ordonnancement des fluides du patient en lui retirant une quantité plus ou moins importante de « mauvais sang ».
Ces dernières années les membres originels de Zéro Absolu, au départ Glaciation, ont eu bien des raisons d’accumuler du « mauvais sang » ou des mauvaises humeurs s’étant vu déposséder de leur nom et donc d’une partie de leur œuvre. Une saignée s’imposait donc pour rétablir l’équilibre, ce qui est désormais chose faite avec ce disque qui vient rompre un long silence discographique remontant « Aux Falaises de Marbres » en 2015.
Le remède appliqué sera t-il mieux ou pire que le mal ? Seul l’avenir et une attentive observation du patient le diront...Dans tous les cas, il fallait que ça sorte, Valnoir, François Duguest et Hugo Moerman se sont donc employés à évacuer ce trop plein de bile ou de mauvais sang accumulé année après année. Pour mener à bien leur plan, ils se sont adjoints les services d’Indria (bassiste live d’Alcest) et de R.R (batteur de Regarde les Hommes Tomber). Ce premier disque qui s’intitule à point nommé « La Saignée », est paru à la fin du mois de janvier sur le label allemand AOP Records et comporte seulement deux compositions : le titre éponyme de vingt minutes et un autre un petit peu plus court.

Premier constat, cette « Saignée » n’est pas une purge musicale pour l’auditeur. En deux titres, le groupe redonne pleinement vie à la musique si particulière qui était celle de l’EP « 1994 » (dont le souvenir est d’ailleurs présent sur l’artwork). Le raffinement d’un black shoegaze aux accents progressifs côtoie sans transition des envolées amères aussi bien que des nappes de claviers éthérées ou chatoyantes. Parfois, la musique s’interrompt pour laisser la place à des interludes constitués samples de voix : celle d’Antonin Artaud (car la littérature a toujours occupé une place importante) mais aussi d’autres, plus anonymes narrant leur rencontre avec la musique du diable et dont la proximité n’est pas sans évoquer les polémiques, devenues marronniers journalistiques, autour d’un festival dont le nom commence par Hell et finit par Fest. « La Saignée » renoue donc complètement avec ce style totalement libre et débridé et chemine de manière chaotique et libre. Les structures semblent encore plus déstructurées qu’elles ne l’étaient auparavant, le son est plus revêche mais si le disque n’est pas forcément facile à cerner de primer abord, il finit par s’imposer.
Si « Saignée » il y a c’est surtout du côté des paroles et des à côtés qu’il faut chercher. Que ce soit en lisant le dossier de presse, les paroles, les divers autres commentaires sur les inserts du disque ou en regardant la vidéo produite pour le premier titre : clairement on solde les comptes, et si en musique Zéro Absolu n’a rien perdu de sa finesse, en paroles c’est le déluge de feu.
Il fallait que ça sorte disait-on plus haut... et bien ça sort, sans filtre, sans demi mesure et dans une verdeur et une frénésie quasi célinienne. Alors bien sûr, il est beaucoup question d’une fleur à épines mais pas seulement... le belle et grande famille du metal et ses si chères institutions uniquement mues par l’amour infinie de la musique ne sont pas plus épargnées finalement.
Alors, on pourra penser que c’est un peu « petit » comme méthode, que cela fait un peu cour de récréation, qu’un peu de hauteur aurait été la bienvenue, que ceci, que cela, patati et patata, parce que quand même... faut pas cracher dans la soupe, ni mettre tout le monde dans le même sac. Mais voilà, il fallait que ça sorte (c’est le principe même de la saignée) et c’est sorti avec de belles giclées de sang noirâtre souillant la bassine en argent. Cela va mieux en le disant paraît-il, et bien c’est dit
Passée le temps de la Saigné, que se passera t-il ? Probablement un temps de léthargie ponctué de quelques spasmes comme le suggère un peu le second titre « Le temps détruit tout ». Mais les effets de la saignée pouvant s’avérer imprévisibles, on ne s’emploiera pas à livrer un quelconque diagnostic sur ce que sera la suite, si suite il y a d’ailleurs. On s’en tiendra donc à ce constat simple : avec « La Saignée », Zéro Absolu propose un disque à la fois inattendu mais avec ce même esprit débridé que les œuvres singulières qu’il avait proposé déjà sous son ancienne appellation. C’est déjà une belle réussite.
N - 9/10
Tracklist :
1. La Saignée (20:26)
2. Le Temps Détruit Tout (13:22)
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